Guide de référence

Cette jeep volante demeure l’avion de brousse par excellence. Construits à plus de 1600 exemplaires depuis 1947, nombre de castors sillonnent encore les airs des cinq continents. Au Canada, sur les 381 unités immatriculées, plusieurs sont répertoriées au Québec. La plupart opèrent pour des compagnies régionales ou des pourvoiries.

Le de Havilland Beaver DHC-2 Mk. I fut conçu juste après la Seconde Guerre mondiale. Son concept, calqué sur les modèles militaires, en fit une machine technologiquement endurante. Sa maintenance était basique pour l’époque. Configuré initialement sur roues – montées sur un solide train classique – l’appareil se déclina rapidement sur skis et flotteurs. Cette polyvalence séduisit les opérateurs civils. Rappelons toutefois que ce fut le Department of Lands and Forests (absorbé avec le Department of Mines and Northern Affairs, en 1972, pour former le présent ministère des Ressources naturelles) qui opéra le premier Beaver au printemps 1948. Il y a donc 70 ans ! Ce mémorable anniversaire n’était pourtant pas gagné d’avance. En effet, originellement, le carnet de commandes de l’avionneur canadien tarda à se remplir. Heureusement et malgré certaines réticences protectionnistes, l’armée américaine acquit finalement plusieurs centaines de machines. On dit d’ailleurs que quelques-unes d’entre elles seraient encore en service. D’autres intentions d’achat suivirent dans la foulée. Rapidement, le Beaver se convertit en un avion multifonctionnel : expéditions, épandage, reconnaissance, évacuation, brousse, etc. L’accueil mitigé initial se mut alors en un succès commercial durable. Au Canada, et notamment au Québec, les pourvoiries et les petites compagnies aériennes excentrées privilégient ce gros sept-passagers ou combi (pax + cargo). Une clientèle privée, éprise de contrées sauvages, l’utilise pour aller à la pêche ou à la chasse, quand ce n’est pas tout simplement pour goûter aux joies du vol.

Pilotage et précautions

Avion à décollage et atterrissage courts ou STOL, le DHC-2 Beaver excelle sur roues comme sur skis ou flotteurs. Son moteur R-985 Wasp Junior, de neuf cylindres en étoile développant 450 ch, permet de quitter l’asphalte ou de s’extirper de l’eau avec brio. Néanmoins, cette mécanique – dont les origines remontent aux années 1920 – est gourmande en essence et en huile. Et tout ça dans un concert de décibels orchestré par les échappements libres et la bipale Hamilton Standard à vitesse constante. À faible allure, incliné et à pleine charge (quand ce n’est pas en surcharge !), le Beaver a la réputation d’être parfois traître. Aucun signe avant-coureur ne prévient réellement de l’imminence d’un décrochage. En première monte, il n’existe pas d’avertisseur de décrochage sonore ou lumineux. La culbute étant généralement soudaine, la récupération – à basse altitude – est réputée hasardeuse, voire dans certains cas fatale. Aussi, l’installation de générateurs de vortex ou Vg’s sur la voilure principale permet de retarder la perte de portance tout en optimisant le comportement aux grands angles. À considérer !

Empennage horizontal, muni de stabilisateurs de lacet, monté sur C-FLLX, Beaver nº de série 1293, présenté en ouverture d’article (aéronef privé).

Peu de consignes de navigabilité

Il n’existe pas beaucoup d’AD’s récents pour le Beaver. En 70 ans d’existence, les défauts de jeunesse ont depuis longtemps été corrigés. Par contre, en vieillissant, cet aéronef – comme nombre d’autres classic et même vintage – souffre de corrosion. Notamment au niveau des contrepoids situés dans le gouvernail de direction. Idem au niveau des mécanismes situés dans la profondeur ! La dissimilitude des métaux (aluminium pour les nervures, acier pour les contrepoids) crée à la longue des phénomènes néfastes d’électrolyse. Sans cure ni traitement, tout finit par se gangréner. Pour pallier le problème, Luc Gagnon – Gérant du département maintenance, chez Aviation B. L. – propose plusieurs solutions pratiques. Rappelons qu’avec son équipe composée de mécaniciens formés à cet effet, il entretient annuellement nombre de Beaver corporatifs et privés. Pour toutes questions techniques ou légales, contactez-le via www.aviationbl.com. En outre, la majorité des mécaniciens canadiens recommandent à tout acquéreur potentiel d’un appareil – Beaver ou autre – provenant des États-Unis de programmer une inspection préachat. Celle-ci prémunira le client de bien des surprises, voire de vices cachés.

Planche de bord et espace cabine de C-FMPT, Beaver nº série 1260 (Air Tamarac).

Une marque, deux types d’hélices

Dès ses débuts, le DHC-2 Beaver fut équipé d’une bipale Hamilton Standard counterweight. Comme l’adjonction en anglais l’indique, cette hélice à pas variable est munie de contrepoids : 2 masselottes externes, articulées au niveau du moyeu, contribuant à la variation des angles (de 11,5 à 24 deg). Par la suite, l’avionneur introduit une variante baptisée hydromatic. Ce modèle ne comprend pas de pièces détachées mobiles apparentes car, comme son appellation le laisse entendre, les réglages du pas se font hydrauliquement. Moins complexe mécaniquement, cette hélice requiert néanmoins une maintenance plus élaborée – donc plus dispendieuse. Pour info, le diamètre de chaque Hamilton Standard a une tolérance variant de 108 à 102 po (2,74 à 2,59 m). Par ailleurs, des pales optionnelles à bouts carrés sont commercialisées par Pacific Propeller (Kent, État de Washington). Celles-ci maximisent les performances, notamment au décollage. Information : http://www.pacprop.com.

Accès à bord porte gauche pax/cargo.

Accessoires livrés avec STC

Un support latéral externe est fabriqué et vendu par Aviatech Services Techniques (Trois-Rivières). Ajustable, il paraît idéal pour transporter un canoë, une chaloupe, des matériaux de construction, etc. Celui-ci s’ajuste à tous les DHC-2 Beaver et est facilement réglable selon le type de flotteurs (EDO 4580 et EDO 4930). Ce produit québécois est certifié par Transports Canada (STC # SA13-11) et le sera bientôt par la FAA. Prix sur demande. Infos pratiques : http://www.ats-ast.com/fr/services/produits_aviatech/support_de_charge_ajustable_pour_beaver_dhc2.asp

STOLairus, un accessoiriste de Kelowna (Colombie-Britannique) propose plusieurs sortes de kits permettant pour certains d’augmenter la charge utile du Beaver ou encore de maximiser sa stabilité. Une porte optionnelle de soute à bagages est également au catalogue.  Pour en savoir plus : http://www.stolairus.com/products.

Profil avant gauche de C-FGIB, Beaver nº de série 6 (aéronef privé). On notera le hauban judicieusement monté entre la porte d’accès au cockpit et celle de la cabine pax/cargo.

 

Valeur de collection

Même si le DHC-2 Beaver se définit surtout comme un avion de transport public tout-terrain, il n’en demeure pas moins un modèle en « voie de disparition »… à plus ou moins long terme. De ce fait, son capital d’estime monte très haut et sa valeur commerciale semble suivre la même courbe. Au Québec, les connaisseurs affirment qu’un Beaver en excellente condition vaut un bon demi-million de dollars canadiens. Voire davantage si la machine est dans un état concours ! Dans Controller, les premiers prix tournent autour de 200 000 billets verts. Le moins cher : un modèle 1956, accusant quelque 19 000 heures de vol, mais avec seulement 35 heures de potentiel restant sur le moteur. Prix demandé (avec flotteurs EDO 4930 mais sans train classique ni roues) : 189 503 $ US. À l’opposé, les quelques rares Turbo Beaver se négocient autour du million de dollars américains ! À titre indicatif, Covington Aircraft (Okmulgee, Oklahoma) offre des R-985, en échange standard, moyennant 40 900 $ US. Infos : http://www.covingtonaircraft.com/radial-engines/pricing.

Un excellent livre de référence : The Immortal Beaver, The World’s Greatest Bush Plane.

Du passé au présent, et vers le futur

Basée à Sidney (Colombie-Britannique), Viking Air Ltd. détient, entre autres, le certificat de type du Havilland DHC-2 Beaver. Cette compagnie fournit à l’échelle mondiale pièces détachées et service pour ce modèle dont la production s’est arrêtée en 1967. Celle-ci propose également une conversion turbopropulsée par une Pratt & Whitney Canada PT6A-34. D’après les plans originaux du DHC-2 Mk. III (version turbine produite à 60 exemplaires à la fin des années 1960 par de Havilland), Viking peut transformer un DHC-2 (à moteur radial). Ce rétrofit, incluant une mécanique neuve et nombre de renforts, extensions, composants, instruments et avionique, maximise la puissance (680 shp versus 450 ch) et augmente significativement la masse maximale (6000 lb versus 5100 lb – 2722 kg versus 2313 kg). Pour toutes données complémentaires, visitez https://www.vikingair.com/viking-aircraft/dhc-2-beaver. Certains voudraient aussi (et toujours) relancer la production du Beaver – ou tout au moins pondre une version modernisée. Il faudrait pour cela l’aval de Viking. Sans accord officiel, association ou partenariat, tout projet labellisé semble impossible. Dans ce cas de figure, risquerions-nous de voir émerger un jour quelque ersatz étranger ? Qui sait ? Le temps dispose toujours de variables inattendues.

Bipale Hamilton Standard de type counterweight, montée sur C-GAZJ, Beaver nº de série 748 (Aviation La tuque).

 

Devinettes sur le DHC-2 Beaver Mk. I

a)         Quel avion concurrença le Beaver à ses débuts ?

b)         La version L20, livrée à l’U.S. Army, fut produite à combien d’exemplaires ?

c)         De combien de porte(s) cargo dispose le Beaver ?

 

Réponses : a) le Cessna 195 b) 968    c) 2

 

De Havilland DHC-2 Beaver Mk. I… en quelques chiffres

 

Envergure : 48 pi (14,6 m)

Longueur : 30 pi 4 po (9,24 m)

Hauteur : 9 pi (2,74 m)

Places : 8

Masse à vide : 3 000 lb (1 361 kg)

Masse maximale : 5 100 lb (2 313 kg)

Moteur : Pratt & Whitney R-985 an-6b – ou – an-14b Wasp Jr.

Puissance : 450 ch

Hélice : bipale Hamilton Standard, à pas variable, Ø 108 po (2,74 m)

Réservoirs : 1 avant 35 gal (132,5 l) + 1 central 35 gal (132,5 l) + 1 arrière 25 gal (94,6 l) + 2 bouts d’aile 43 gal (162,8 l)

Vitesse maximale (Vne) : 180 mph (156 kias – 290 km/h)

Vitesse de croisière @ 5 000 pi (1 524 m) : 113 kias (130 mph – 209 km/h)

Vitesse de décrochage, en lisse, sans puissance : 52 kias (60 mph – 97 km/h)

Distance franchissable : 395 nm (732 km)

Plafond pratique : 18 000 pi (5 486 m)

 

 

 Texte et photos : Richard Saint-George