Texte : Richard Saint-George – Photos de l’auteur et Pierre Harvey

Depuis toujours, ce pilote originaire de Saint-Augustin est passionné par la construction d’avions. Après avoir monté des centaines de modèles réduits – tous ou presque de conception personnelle – il bâtit une première réplique de Blériot grandeur nature, puis une deuxième. Un défi immense, relevé d’une main de maître !

Pierre Racette, l’homme qui construit des Blériot

L’inexhaustible Pierre Racette !

En juillet dernier, Gerald Yagen – conservateur du Military Aviation Museum of Virginia – recevait la copie d’un Blériot XI commandée à Pierre Racette. L’appareil, que certains purent voir précédemment au meeting de Saint-André-Avellin, est un petit bijou de recherches et d’ingénierie. Déjà, la renaissance d’un second classique – cette fois-ci un De Havilland DH2 – est en pourparlers entre les deux hommes. Une décision conséquente que n’a pas encore prise le constructeur québécois. Et pour cause : aucun plan ni aucunes archives de cet aéronef datant de la Première Guerre mondiale ne semblent disponibles ! Seul un exemplaire, en Angleterre, trône dans un musée. Avouant quelques difficultés à converser dans la langue de Geoffrey de Havilland (pour ne pas dire Shakespeare), Pierre Racette demeure perplexe. Gageons que sa motivation et son talent sauront surmonter cette barrière linguistique ! Mais revenons plusieurs décennies en arrière et laissons notre bâtisseur de coucous nous conter son histoire semée de petites et grandes satisfactions, mais aussi d’embûches techniques et parfois de malchance.

 

Quand et comment votre aventure aéronautique a-t-elle commencé ?

Tout a débuté vers 1968 quand j’ai reçu un control line Cox PT-19 avec un moteur .049… que j’ai brisé dès le premier vol ! C’est là que j’ai commencé à réparer puis à bâtir des avions miniatures. Depuis, je n’ai jamais arrêté. J’en ai construit des dizaines par année. Des modèles allant de l’échelle 1/6e à 1/3. Je n’ai jamais acheté de kits, car je préférais dessiner moi-même des modèles originaux. Je fabriquais déjà toutes les pièces : en bois, en métal usiné, formé ou soudé. Je faisais également des moules servant au coulage de matériaux, mais aussi au repoussage. J’ai appris à entoiler et à peindre aussi. Je me suis toujours dit que « si quelqu’un l’a fait, j’en suis capable ! »

 

À l’aube de la quarantaine, en 1999, vous avez construit une première réplique de Blériot. Sur quelles bases avez-vous travaillé ?

Je me suis procuré des plans faits par W.A. Wylam. Ce Blériot 1909 Cross Channel était à l’échelle ¼, avec une envergure d’environ 8 pi (2,44 m). En l’an 2000, je me suis rendu à Old Rhinebeck (NY) durant le RC Jamboree. Incapable de faire voler cet avion sans le faire décrocher, je n’avais pas l’intention de m’inscrire au concours. Un ami me proposa alors de me présenter Dan Taylor, un pilote volant sur un vrai Blériot. Ce dernier me donna quelques explications et de bons conseils. J’ai pu faire un vol parfait et, à ma grande surprise, gagner The Best Off Show. Pour moi, c’était comme remporter la Coupe Stanley ! L’année suivante, muni d’un nouveau Blériot, j’ai gagné de nouveau. C’est à partir de ce moment que des gens m’encouragèrent à construire un vrai avion. J’ai commencé à faire des recherches. Aucun plan n’existait. Malgré tout, j’ai obtenu quelques archives du modèle militaire provenant d’un musée à Paris. Je me suis mis à dessiner les pièces sur AutoCad. Dans l’intervalle, j’ai rencontré Marcel Deschamps. Désirant posséder ce modèle, celui-ci a financé le projet tout en participant aux recherches. Sans lui, ce projet n’aurait jamais vu le jour. En 2012, l’avion était terminé. Nous avons commencé les tests de roulage, puis fait quelques survols de piste en effet de sol. L’aéronef se comportait très bien. Le 25 août, malgré une météo moyenne, le pilote désigné – ce n’était pas moi – fit quelques tours de piste à Saint-Hyacinthe avant de se crasher. Heureusement, pas de blessé, mais 8000 heures de travail réduites à néant ! Tout ça, à cause d’une mauvaise prise de décision.

 

Et après ?

Je ne me suis pas découragé. J’ai continué mon deuxième Blériot. Une entente commerciale avec le musée militaire de Virginie Beach m’a permis de poursuivre ma tâche. Tout en travaillant la semaine comme surintendant pour une compagnie de génie civil, j’ai assemblé morceau par morceau ce second exemplaire. L’architecture en bois comprend de nombreuses pièces. J’ai dû les fabriquer à la main, pour la plupart. Idem pour les pièces en métal, parfois façonnées au marteau ou coulées dans un moule maison. La tuyauterie en cuivre, comme à l’époque, a été soudée au plomb et/ou à l’argent. Les roues rayonnées comportent un moyeu ressemblant à celui d’origine. Les pneus, sur mesure, ont été commandés aux États-Unis. Coût : 500 $ US l’unité. La sellerie en cuir, incluant des sacoches, a été réalisée par un cordonnier. Les bancs sont en rotin. Le moteur, de bonne puissance, est de type radial. Plusieurs outils ont dû être confectionnés pour l’occasion. Je tiens à remercier mes amis Marcel Deschamps, Daniel Amireault, Richard Boisvert, Michel Latulippe, Fernand St-André et mon fils Jean-François qui m’ont donné un coup de main.

 

Avez-vous piloté l’un de vos Blériot ?

Non jamais. Le premier ayant été détruit dans l’accident et le second étant désormais en display, cela paraît improbable. Par contre, je pilote un Piper J3. Rien d’autre. J’ai environ 450 heures de vol en tout.

 

En conclusion…

Évaluée sommairement à 100 000 dollars canadiens, hors main-d’œuvre, chaque réplique demeure rare et précieuse. Tout comme le sera certainement le DH2 en devenir. Et d’autres sûrement après ! Finalement, Pierre Racette est à l’image de ses avions : unique !

Pierre Racette, l’homme qui construit des Blériot

Souci du détail jusqu’au moindre boulon